Analyse des défauts dans la cuve de pression du réacteur des centrales nucléaires
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Quel était le défi auquel vous étiez confronté ?
Lors d'une maintenance majeure de Doel 3 en 2012, une inspection périodique a été réalisée sur plusieurs parties de la cuve du réacteur. Cette inspection a permis d’identifier la présence d'indications de défauts dans la cuve du réacteur de Doel 3 et, par la suite, de Tihange 2. Pour évaluer l'intégrité structurelle des cuves, ces inclusions ont été assimilées à des "fissures".
Parmi de nombreux procédés, la simulation numérique a été choisie pour évaluer le niveau de risque. En raison du nombre et de la proximité des fissures, de tels calculs ont nécessité des ressources HPC.
Quelle solution avez-vous proposée ?
Sur base d’une inspection, Tractebel a défini des fissures équivalentes et a demandé à Cenaero d'effectuer des calculs de mécanique de rupture élastique linéaire pour évaluer le risque de propagation des fissures.
Le logiciel "Morfeo Crack", développé par Cenaero, a été utilisé pour effectuer ces calculs. Les premiers calculs ont impliqué un nombre limité de fissures simultanées, puis le nombre a été augmenté. Ces configurations ont nécessité beaucoup de précautions pour effectuer les calculs dans les limites des ressources matérielles disponibles tout en respectant des normes élevées de qualité au niveau des résultats. À cette époque, la quantité de mémoire sur les plus gros nœuds disponibles limitait la taille des maillages.
De plus, Cenaero a développé des méthodologies pour faire face au nombre de configurations et aux opérations de post-traitement à effectuer.
Quel est l'impact commercial ou scientifique ?
La collaboration entre Tractebel et Cenaero, portant sur l’analyse des fissures, est considérée comme un succès et est vouée à se développer. Des travaux récents ont porté sur l'évaluation de la durée de vie par le biais de simulations numériques tenant compte de contraintes résiduelles dues au processus de soudage.
D'un point de vue scientifique, les besoins spécifiques de Tractebel ont aidé le centre de recherche Cenaero à améliorer les méthodologies et les outils utilisés. Parmi ces améliorations, des travaux ont été réalisés pour étendre les calculs aux hypothèses de rupture mécanique élasto-plastique. En outre, la limitation du matériel a été surmontée en développant une méthodologie adaptée, garantissant qu'un calcul sur plus d'un nœud est possible avec la même précision.
D'un point de vue business, Tractebel a acquis les licences du logiciel Morfeo Crack pour mener ses propres analyses sur diverses parties des centrales nucléaires. Depuis lors, Tractebel a acquis une expertise unique dans ce domaine qu'il peut mettre à la disposition de ses partenaires.
Quels en sont les avantages ?
Les investigations numériques qui ont nécessité l'utilisation du HPC ont contribué à l'évaluation de l'intégrité structurelle. Combinée aux inspections et autres analyses, l'utilisation du HPC a permis de conclure que Doel 3 et Tihange 2 pouvaient être redémarrées en toute sécurité.
Comment les infrastructures informatiques et les équipes belges ont-elles aidé ?
Un seul calcul nécessitait une grande quantité de mémoire (de 40Gb à 128Gb pour les premiers calculs). En raison du nombre élevé de configurations à calculer (quelques centaines), combiné aux besoins en mémoire, l'utilisation d'une infrastructure HPC était indispensable. Certains tests ont démontré la capacité de dépasser la limite de mémoire en utilisant jusqu'à 768 Gb. Une telle quantité de mémoire n'est pas accessible sans une infrastructure HPC.
De plus, le logiciel utilisé pour évaluer les risques de propagation des fissures est développé par Cenaero, ce qui représente une garantie de réactivité et de flexibilité par rapport aux besoins logiciels.
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Valéry Lacroix a obtenu son doctorat à l'Université Nationale de Yokohama.
Il a travaillé comme ingénieur de recherche de 1999 à 2003 en mécanique computationnelle à l'Université Libre de Bruxelles et comme ingénieur de conception de 2003 à 2008 pour Cenaero (aéronautique) dans les analyses de fatigue et de mécanique de la rupture.
Ingénieur en chef et expert global pour le groupe ENGIE, il travaille dans le secteur nucléaire depuis 2008 pour Tractebel. Il a d'abord été ingénieur concepteur chargé des calculs mécaniques et des justifications de défauts pour les composants sous pression. En tant qu'ingénieur principal, il était chargé de l'évaluation des défauts et de la coordination technique dans les dossiers de sûreté des RPV de Doel 3 et Tihange 2 contenant des flocons d'hydrogène. En tant qu'ingénieur en chef, il travaille sur les calculs et la coordination de plusieurs projets EDF : Remplacement des coudes primaires (900MWe), Remplacement des PRIS (1300 Mwe). Outre les projets techniques, il est responsable du programme de R&D en mécanique des fractures pour Tractebel et est l'auteur de plus de 50 articles scientifiques.
Valéry Lacroix est membre de différents groupes de travail de l'ASME sur l'évaluation des défauts et sur les courbes de référence. Il est membre du comité technique des codes et normes de l'ASME et représentant du programme technique de la conférence PVP de l'ASME.